Cette arrivée du roi est peinte par Joinville avec une vivacité brillante où l’affection et l’admiration se confondent : Là où j’étais à pied avec mes chevaliers, ainsi blessé comme je l’ai dit devant, vint le roi avec toute sa bataille (avec sa troupe) à grand fanfare et à grand bruit de trompes et timbales, et il s’arrêta sur un chemin levé (une chaussée)u : jamais si bel homme armé ne vis, car il paraissait au-dessus de tous ses gens, des épaules jusqu’à la tête, un heaume doré en son chef, une épée d’Allemagne en sa main… Peintres de batailles, que vous en semble ? […] Mais laissons-le achever lui-même ce récit familier et charmant : En ce point que j’étais là, le roi se vint appuyer à mes épaules et me tint ses deux mains sur la tête ; et je pensais que c’était monseigneur Philippe de Nemours, lequel m’avait fait trop d’ennui tout ce jour-là pour le conseil que j’avais donné, et je dis ainsi : « Laissez-moi en paix, monseigneur Philippe. » Mais, comme je tournais la tête, voilà que par aventure la main du roi me tomba au milieu du visageaj, et je connus que c’était lui à une émeraude qu’il avait en son doigt ; et il me dit : « Tenez-vous tout coi, car je vous veux demander comment vous fûtes si hardi, vous qui êtes un jeune homme, pour m’oser conseiller ma demeurée, à l’encontre de tous les grands hommes et les sages de France, qui me conseillaient mon départ… » Le reste de la scène et la réponse se prévoient aisément : Joinville seul avait deviné le cœur chrétien du saint roi. […] Je le vis aucunes fois en été que, pour rendre justice à ses gens, il venait au jardin de Paris, vêtu d’une cotte (d’une robe) de camelot, d’un surtout de tiretaine sans manches, avec un manteau de cendal noir autour du cou, très bien peigné et sans coiffe, et un chapel de plume de paon blanc sur sa tête ; et il faisait étendre des tapis pour nous asseoir autour de lui. […] [1re éd.] un chaperon que je mis en ma tête.