Je ne reviendrais pas sur ce volume qui a paru il y a plus d’un an, qui a été accueilli assez favorablement par la critique, qui a appris à ceux qui l’ignoraient que La Beaumelle (ce La Beaumelle tant honni de Voltaire et resté en si mauvais renom comme éditeur) avait de l’esprit, de la plume et du tour ; mais dans lequel ce qu’on avait surtout remarqué c’étaient les quatre-vingt sept lettres du grand Frédéric à Maupertuis ; — je n’y reviendrais pas aujourd’hui, un peu tard, s’il n’y avait quelque chose de nouveau et d’essentiel à en dire, et si une obligeance amicale ne m’avait mis à même d’en porter un jugement bien fondé. […] Maupertuis, jeune, ancien capitaine de cavalerie, converti à la géométrie et aux sciences, eut alors son moment d’éclat et de faveur, surtout lorsqu’au retour de son voyage dans le Nord, où il était allé vérifier par ses mesures la forme assignée à cette région de la terre par Newton, il eut incidemment tant de choses à raconter sur les Lapons et les Lapones. […] Un peu plus de scepticisme ne fera pas mal, surtout de ce côté-ci du Rhin. » Partout il lui prête des maximes, des bouts de tirade et des sorties, des explications de sa conduite : « Ce qu’il y a de singulier, lui fait-il dire (p. 272), c’est que mon penchant à l’indécision n’influe ni sur ma conduite soit militaire, soit politique, ni sur mon caractère. […] » Ce retour, à peine indiqué, de Frédéric sur son père si cruel pour lui, cette allusion, s’il l’avait faite réellement, serait touchante ; mais, dans le vrai, Frédéric était trop roi pour laisser voir à personne qu’il se plaignait de son père, et surtout pour l’écrire.