Si l’on trouve partout des marques de l’admiration qu’on accordait à Boileau, il y en a moins de son influence, qui ne fut ni rapide ni surtout illimitée. […] Dieu me garde de penser qu’elle saisisse les chefs-d’œuvre des grands écrivains surtout par leurs parties inférieures et caduques, et qu’elle n’en sente pas la vraie grandeur et la grâce intime ! […] Surtout il ne s’embarrasse guère des anciens, qu’il a lus légèrement. […] En Italie, où, quand on est las du cavalier Marin, on a l’art encore si fin du Tasse ou de Pétrarque et le grand art de Dante, l’influence de l’Art poétique s’exerce surtout sur le poème dramatique ; ailleurs elle embrasse tous les genres de poésie. […] Mais surtout sa gloire acquise par des œuvres critiques et dogmatiques, ses vers passés en proverbes ou reconnus pour les lois de l’art d’écrire, persuadent à des gens de lettres par toute l’Europe que les théoriciens peuvent créer une littérature ou lui imposer une direction : on perd de vue tout ce que l’œuvre de Despréaux continue et achève ; au lieu d’un terme et d’un couronnement, on y voit un commencement, une création de mouvement ; et l’on agit en conséquence.