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1658. (1864) Cours familier de littérature. XVII « CIe entretien. Lettre à M. Sainte-Beuve (1re partie) » pp. 313-408

Quoique d’un caractère inflexible et d’airain, il est, si on ne l’atteint pas au fond, doux, tolérant, facile à vivre, surtout inoffensif ; ceux qui le connaissent veulent bien l’aimer, ou du moins s’intéresser à lui ; tout ce qu’ils lui peuvent reprocher, c’est d’être excessivement timide, peu parleur et triste. […] Il méprise l’opinion ou plutôt la néglige, et sait surtout que le bonheur vient du dedans. […] « Par ses goûts, ses études et ses amitiés, surtout à la fin, Joseph appartenait d’esprit et de cœur à cette jeune école de poésie qu’André Chénier légua au dix-neuvième siècle du pied de l’échafaud, et dont Lamartine, Alfred de Vigny, Victor Hugo, Émile Deschamps, et dix autres après eux, ont recueilli, décoré, agrandi le glorieux héritage. […] Mais ce calme, qui est dû surtout à l’absence des maux et à la comparaison du présent avec le passé, s’affaiblit en se prolongeant, et devient insuffisant à l’âme ; il faut, pour achever sa guérison, qu’elle cherche en elle-même et autour d’elle d’autres ressources plus durables. […] Chaque jour de plus, passé en cette vie périssable, la voit s’enfoncer davantage dans l’ordre magnifique qui s’ouvre devant elle à l’infini, et si elle a beaucoup aimé et beaucoup pleuré, si elle est tendre, l’intelligence des choses d’au-delà ne la remplit qu’imparfaitement ; elle en revient à l’Amour ; c’est l’Amour surtout qui l’élève et l’initie, comme Dante, et dont les rayons pénétrants l’attirent de sphère en sphère comme le soleil aspire la rosée.

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