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1612. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. DE VIGNY (Servitude et Grandeur militaires.) » pp. 52-90

Les sources extérieures du talent poétique de M. de Vigny, si on les recherche bien, furent la Bible, Homère, du moins Homère vu par le miroir d’André Chénier, Dante peut-être, Milton, Klopstock, Ossian, Thomas Moore lui-même, mais tout cela plus ou moins lointain et croisé, tout cela surtout fondu et absorbé goutte à goutte dans une organisation concentrée, fine et puissante. […] Presque toutes les belles comparaisons, qui à chaque pas émaillent le poëme d’Éloa, pourraient se détourner sans effort et s’appliquer à la muse de M. de Vigny elle-même, — et la villageoise qui se mire au puits de la montagne et s’y voit couronnée d’étoiles, — et la forme ossianesque sous laquelle apparaît vaguement d’abord l’archange ténébreux, — et la vierge voltigeante qui n’ose redescendre, comme une perdrix en peine sur les blés où l’œil du chien d’arrêt flamboie, — et la nageuse surprise, fuyant à reculons dans les roseaux ; mais surtout rien ne peindrait mieux cette muse dans ce qu’elle a de joli, de coquet, comme dans ce qu’elle a de grand, que l’image du colibri étincelant et fin au milieu des lianes gigantesques ou dans les vastes savanes sous l’azur illimité. […] Mais le public, les femmes surtout, lisaient, étaient émues, pleuraient. « Oh ! […] En effet, dès ce temps-là et vers ces dernières saisons de la Restauration, j’avais pressenti dans ce coin de notre école romantique des germes de division déjà, des principes de refroidissement ou de rivalité, nés surtout des ambitions dramatiques, et dans la Préface des Consolations j’avais, sous forme voilée, exprimé mes craintes et mes regrets.

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