Élevé d’abord chez les Jésuites de Reims, puis au collège de Navarre à Paris, il s’y distingua dans toutes les branches, et y donna surtout des témoignages précoces de cette faculté mathématique qui, chez ceux qui la possèdent, n’attend jamais le nombre des années. […] Ce qui devait surtout rassurer Fontaine et les hommes du métier, c’était la curiosité universelle de Condorcet qui le poussait au-dehors dans toutes les branches et dans toutes les directions de la connaissance humaine, de telle sorte qu’en s’étendant à tout et même en embrassant tout, elle ne laissait plus guère à son esprit le temps d’inventer sur rien. […] On a fort loué, dans cette correspondance de Condorcet avec Voltaire, quelques témoignages de véracité et de franchise, mais il y fallait remarquer aussi ces premiers indices d’un esprit dénigrant, et surtout l’espèce d’adresse avec laquelle Condorcet, très mécontent que Voltaire ait fait des vers pour Mme Necker, cherche à exciter l’illustre maître contre le financier genevois : « D’ailleurs, je ne puis rien espérer, lui écrit-il, d’un homme (M. […] Mais ce qui me frappe surtout chez Condorcet, et ce qui constitue sa plus grande originalité, c’est l’abus, c’est la foi aveugle dans les méthodes, c’est cette idée, si contraire à l’observation, que toutes les erreurs viennent des institutions et des lois, que personne ne naît avec un esprit faux, qu’il suffit de présenter directement les lumières aux hommes pour qu’à l’instant ils deviennent bons, sensés, raisonnables, et qu’il n’y a rien de plus commun, de plus facile à procurer à tous, que la justesse d’esprit, d’où découlerait nécessairement la droiture de conduite.