L’une consiste à donner une idée générale de ce qui va se passer dans le cours de la pièce, par le récit de quelques événements que l’action suppose nécessairement. […] Car si l’on suppose une fois l’esprit suffisamment instruit, on le prive du plaisir de la surprise, auquel il s’attendait. […] Je dis dans le désordre d’un premier mouvement, parce que ce qu’ils racontent venant de se passer dans le moment même, il serait absurde de supposer qu’ils eussent eu le temps de la réflexion, et que le comble du ridicule serait de les faire parler comme s’ils avaient pu méditer à loisir l’ordre et l’art qu’il leur faudrait employer pour arriver plus sûrement à leurs fins. […] Ce qui fait qu’on n’est pas blessé d’un monologue au théâtre, c’est que, quoique le personnage qui parle soit supposé seul, il y a cependant une assemblée qui nous frappe. […] Aujourd’hui, les monologues conservent la même mesure des vers que le reste de la tragédie ; et ce style alors est supposé le langage commun : mais Corneille en a pris quelquefois occasion de faire des odes régulières, comme dans Polieucte et dans le Cid, où le personnage devient tout à coup un poète de profession, non seulement par la contrainte particulière qu’il s’impose, mais encore en s’abandonnant aux idées les plus poétiques, et même en affectant des refrains de ballade où il fallait toujours retomber ingénieusement.