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499. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Théophile Gautier. »

Mais l’explication ne me suffit pas tout à fait ; et dans Albertus, après une série d’apostrophes à l’amour, je trouve une suite de stances (de 50 à 58) qui me paraissent, jusque dans leur ironie, trahir une sensibilité véritable : Moi, ce fut l’an passé que cette frénésie Me vint d’être amoureux. — Adieu la poésie ! […] Il a en lui l’orgueil et les ambitions d’un Dieu : tantôt il voudrait faire rentrer dans sa propre nature et absorber en soi, sentir soi tout ce qu’il désire, et il se demande par moments si le monde n’est pas une ombre et si rien de ce qui n’est, pas lui existe ; tantôt il n’aspire, au contraire, qu’à sortir et à s’échapper de lui-même, à traverser les autres existences, à les revêtir et à les user par une suite d’incessantes métamorphoses. […] C’est une suite d’évocations lugubres, après une promenade au cimetière le jour des Morts ; tour à tour Raphaël, Faust, Don Juan, Napoléon lui-même, apparaissent aux yeux du poète qui demande à la vie et à la tombe son secret ; nul de ces grands revenants ne le sait, chacun renvoie à l’autre.

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