La nouvelle maniere de réciter aura donc paru fort extraordinaire aux romains dans ses commencemens, mais ils s’y seront habituez dans la suite, parce qu’on s’accoutume facilement aux nouveautez, qui mettent plus d’action et qui jettent plus d’ame dans les représentations théatrales. […] Il y a six vingt ans que les chants qui se composoient en France, n’étoient, géneralement parlant, qu’une suite de notes longues, et ce que les musiciens appellent quelquefois du gros fa. […] Quoique nous n’aïons jamais entendu la musique de Pluton, nous ne laissons pas de trouver une espece de vraisemblance dans les airs de violon, sur lesquels Lulli fait danser la suite du dieu des enfers dans le quatriéme acte de l’opera d’Alceste, parce que ces airs respirent un contentement tranquille et sérieux, et comme Lulli le disoit lui-même, une joïe voilée. […] Lulli, six mois avant que de mourir fit lui-même le ballet de l’air sur lequel il vouloit faire danser les ciclopes de la suite de Poliphême. Mais les danseurs se sont tellement perfectionnez dans la suite qu’ils ont rencheri sur les musiciens, ausquels ils ont suggeré quelquefois l’idée d’airs de violon d’un caractere nouveau et propre à des ballets dont nos danseurs avoient imaginé l’idée.