Mais, encore un coup, il n’avait pas vingt-neuf ans, et si mourir jeune est beau pour un poëte, s’il y a dans les premiers chants nés du cœur quelque chose d’une fois trouvé et comme d’irrésistible qui suffit par aventure à forcer les temps et à perpétuer la mémoire, il n’en est pas de même du prosateur et de l’érudit. […] Ses études, déjà si étendues, durent à l’instant s’élargir encore ; il fallut suffire en peu de semaines à ces nouvelles fonctions, et faire face à un enseignement imprévu. […] Ce suicide final qu’on raconte de Lucrèce ne lui semblait peut-être qu’un retour d’accès d’un mal ancien : « L’air d’autorité, écrivait-il, ne suffit pas à déguiser ses terreurs ; voyez, il s’en revient pâle comme Dante ; l’armure déguise mal l’émotion du guerrier. » Il croyait discerner, sous cet athéisme dogmatique, comme sous la foi de Pascal, le démon de la peur. […] Celle-ci par exemple : « Il avait fallu répondre à la Ligue par de gros livres, comme le De Regno de Barclay ; il suffit au contraire, pour désarçonner la Fronde, des plaisanteries érudites de Naudé dans le Mascurat . » Le gros pamphlet de Naudé put être utile à Mazarin auprès de quelques hommes de cabinet et de quelques esprits réfléchis ; mais si la Fronde n’avait jamais reçu d’autre coup de lance, elle aurait tenu longtemps la campagne. — La plume de l’auteur, en ce passage et dans quelques autres, a couru plus vite que la pensée 229.