Que si cette vue, d’ailleurs, concorde assez bien avec les circonstances éparses, si seulement ces circonstances s’y prêtent et que le talent soit doué d’assez de puissance, non pas pour les créer (à lui seul il n’y suffirait pas), mais pour les rallier en faisceau, il en résulte les grands succès. […] Cousin est du petit nombre dont le talent suffit à la double dépense, que dis-je ? dont la double dépense suffit à peine au talent, tant celui-ci est actif, abondant, intarissable. […] De celui-là, qui échappe pour le moment à l’appréciation littéraire, mais qu’une curiosité respectueuse ne saurait, même à ce seul titre, s’empêcher de suivre en silence et d’observer, il me suffira de dire qu’il a eu cela de particulier et d’original, que, trempé encore plus expressément par la nature pour les luttes et pour les triomphes de l’orateur, il y a de plus en plus aguerri et assoupli sa parole : cette netteté, ce nerf, cette décision de pensée et d’expression qu’il a sans relâche développés et qu’il porte si hautement dans les discussions publiques, toutes ces qualités ardentes et fortes, il semble que ce soit plutôt l’orateur encore qui, chez lui, les communique et les confère ensuite à l’écrivain ; et si l’on pouvait en telle matière traiter un contemporain si présent comme on ferait un grand orateur de l’antiquité, on aurait droit de dire à la lettre que c’est sur le marbre de la tribune, et en y songeant le moins, qu’il a poli, qu’il a aiguisé son style.