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356. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section première. Des passions. — Chapitre VI. De l’envie et de la vengeance. »

Il est des passions qui n’ont pas précisément de but, et cependant remplissent une grande partie de la vie ; elles agissent sur l’existence sans la diriger, et l’on sacrifie le bonheur à leur puissance négative ; car, par leur nature, elles n’offrent pas même l’illusion d’un espoir et d’un avenir, mais seulement elles donnent le besoin de satisfaire l’âpre sentiment qu’elles inspirent ; il semble que de telles passions ne sont composées que du mauvais succès de toutes ; de ce nombre, mais avec des nuances différentes, sont l’envie et la vengeance. […] Mais le mal que l’envieux sait causer, ne lui compose pas même un bonheur selon ses vœux ; chaque jour, la fortune ou la nature, lui donne de nouveaux ennemis ; vainement il en fait ses victimes, aucun de ses succès ne le rassure, il se sent inférieur à ce qu’il détruit, il est jaloux de ce qu’il immole ; enfin, à ses yeux mêmes, il est toujours humilié, et ce supplice s’augmente par tout ce qu’il fait pour l’éviter.

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