/ 2496
283. (1896) Les origines du romantisme : étude critique sur la période révolutionnaire pp. 577-607

Mais quand René écrivit son autobiographie, l’heure des réalités triviales était passée pour lui ; leur souvenir ne revenait que dans un demi-jour lointain ; il sut n’en préserver que ce mirage nuageux, teinté par les sentiments du présent. La description de ses souffrances ainsi idéalisées par le souvenir et la narration de ses impressions personnelles, diluées dans le torrent des sensations contemporaines, parut aux lecteurs semblable à la musique d’opéra dont on écoute l’air sans prêter attention aux paroles. […] Le Romantisme ouvre l’ère du sérieux, de la mélancolie, du sentimentalisme, des images grandioses et des descriptions sensationnelles : « les ouvrages gais, prédisait Mme de Staël avec un sens de rare divination, vont être dédaignés comme de simples délassements de l’esprit, dont on conserve fort peu de souvenir ». […] « Les sauvages vivent tout en sensations, peu en souvenirs et point en espérance », dit Volney qui avait observé les Peaux-Rouges un peu moins sentimentalement que Chateaubriand18. […] Mais victorieuse, elle fut si épouvantée de son œuvre, qu’elle voulut qu’on en perdît le souvenir : elle posa l’homme bourgeois avec ses passions, ses vices et ses vertus, comme le type immuable de l’espèce humaine passée, présente et future.

/ 2496