/ 1810
9. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section III. Des ressources qu’on trouve en soi. — Chapitre III. De l’étude. »

Ces travaux suspendent l’action de l’âme, dérobent le temps, ils font vivre sans souffrir ; l’existence est un bien dont on ne cesse pas de jouir ; mais l’instant qui succède au travail, rend plus doux le sentiment de la vie, et dans la succession de la fatigue et du repos, la peine morale trouve peu de place. […] Il semble que notre propre destinée se perde au milieu du monde qui se découvre à nos yeux ; que des réflexions, qui tendent à tout généraliser, nous portent à nous considérer nous-mêmes comme l’une des millièmes combinaisons de l’univers, et qu’estimant plus en nous la faculté de penser que celle de souffrir, nous donnons à l’une le droit de classer l’autre. […] Dans la carrière de l’étude tout préserve donc de souffrir, mais il faut avoir agi longtemps sur son âme avant qu’elle cesse de troubler le libre exercice de la pensée. […] Il accomplit les actions ordinaires de la vie comme dans un état de somnambulisme ; tout ce qui pense, tout ce qui souffre en lui, appartient à un sentiment intérieur, dont la peine n’est pas un moment suspendue. […] et lorsque le hasard a pu combiner ensemble la réunion la plus fatale au bonheur, l’esprit et la sensibilité, n’abandonnez pas ces malheureux êtres destinés à tout apercevoir, pour souffrir de tout ; soutenez leur raison à la hauteur de leurs affections et de leurs idées, éclairez-les du même feu qui servait à les consumer !

/ 1810