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24. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Fénelon. Sa correspondance spirituelle et politique. — II. (Fin.) » pp. 36-54

Souffrez cette indiscrétion du plus dévoué et du plus zélé de tous les hommes. […] Les religieuses sont pourtant séparées, mais j’occupe une partie de leurs logements… » Interrogé sur un cas de conscience lorsqu’il venait de donner un conseil royal et de politique, Fénelon souffre évidemment ; il rassure en deux mots son élève : « Vous ne devez avoir aucune peine, lui dit-il, de loger dans la maison du Saulsoir : vous n’avez rien que de sage et de réglé auprès de votre personne ; c’est une nécessité à laquelle on est accoutumé pendant les campements des armées. » Mais il fait précéder sa réponse sur ce point-là de bien des avis plus généraux que le duc de Bourgogne devait être capable d’entendre : « On dit que vous êtes trop particulier, trop renfermé, trop borné à un petit nombre de gens qui vous obsèdent. […] Ces générations plus jeunes et pleines de nouveaux désirs, qui souffraient impatiemment le long règne et la sujétion muette imposée par Louis XIV, devraient, ce semble, se tourner avec faveur du côté d’un héritier plus ou moins prochain qui s’annonce avec des maximes contraires ; mais loin de là : au lieu de cette faveur, elles n’ont que rage à l’avance et fureur de calomnie contre ce futur roi, parce qu’on le sait vertueux et religieux. […] Un jour il apprend que le duc de Bourgogne, parlant moins en prince et en fils de roi qu’en pénitent et en homme qui sort de son oratoire, a dit que ce que la France souffrait alors, en 1710 (et elle souffrait, en effet, d’horribles maux), venait de Dieu qui voulait nous faire expier nos fautes passées : « Si ce prince a parlé ainsi, écrit Fénelon au duc de Chevreuse, il n’a pas assez ménagé la réputation du roi : on est blessé d’une dévotion qui se tourne à critiquer son grand-père. » Dans tout ceci, je n’ai d’autre dessein que de rappeler quelques traits de la piété noble, élevée, généreuse, à la fois sociable et royale de Fénelon, sans prétendre en tirer (ce qui serait cruel et presque impie à son égard) aucune conséquence contre l’avenir de son élève chéri, contre cet avenir qu’il n’a point été donné aux hommes de connaître et de voir se développer. […] Elle est ce qu’elle peut être chez un homme de sensibilité, de piété, de délicatesse, qui a vu de près la Cour et qui en a souffert, qui assiste à une fin de long règne et qui en voit les inconvénients, les derniers abus et même les désastres.

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