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600. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Journal et Mémoires, de Mathieu Marais, publiés, par M. De Lescure  »

Dans tous ces écrits, dans le texte, les préfaces, les moindres notes, dans tout ce qui sort de la plume de M. de Lescure, on sent l’âme, le cœur, la sève, un bouillonnement d’esprit et de noble ambition ; l’âge lui en retirera assez, et, loin de le blâmer de ce trop de vivacité et de ferveur, je suis tenté plutôt de lui appliquer le mot de Chateaubriand : « Laissons l’écume blanchir au frein du jeune coursier. » Aujourd’hui il a rencontré sur son chemin, dans le cours de son ardente recherche en tous sens, le Journal manuscrit de Mathieu Marais, et il nous le donne avec des suites de lettres de ce même avocat curieux et savant. […] Il sasse et ressasse ce dernier auteur et n’en sort pas. […] Par malheur, cette vignette, gravée par Picard, avait été faite au moment où le Système était florissant : on y voyait, à gauche, la France triste et affligée portant une corne d’abondance vide, d’où sortaient de maigres et secs billets ; mais, à droite, on avait figuré la Banque royale assiégée de la foule, avec une France triomphante et des Génies tenant une corne d’abondance d’où sortaient des espèces en quantité, des flots d’or et d’argent. […] Quand on vient comme moi de relire tant de pages que le temps a déjà fanées et qu’on sort de tous ces noms qui circulaient alors et qui signifiaient quelque chose, Basnage, l’abbé Le Clerc, Sorbière, Bouhier lui-même, Bayle, une tristesse vous prend, et je suis frappé de ceci : c’est qu’il n’en est pas un seul dont j’osasse conseiller aujourd’hui à mes propres lecteurs la lecture immédiate et pour un agrément mêlé d’instruction ; car tout cela est passé, bon pour les doctes et les curieux seulement, pour ceux qui n’ont rien de mieux à faire que de vivre dans les loisirs et les recherches du cabinet.

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