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55. (1856) Cours familier de littérature. I « IIIe entretien. Philosophie et littérature de l’Inde primitive » pp. 161-239

On se perd dans un abîme de conséquences absurdes, toutes les fois qu’on sort du réel et qu’on veut substituer au plan incompréhensible, mais visible, de Dieu les vanités et les imaginations de l’homme. […] Demandez à cet éternel gémissement qui sort du sein des masses. […] Or, pour que l’homme de bien se portât de lui-même à ce devoir difficile, il fallait qu’il eût en lui une secrète conviction de l’utilité de ce dévouement à sa famille terrestre ; il fallait qu’il crût vaguement à la possibilité de servir, d’améliorer, de perfectionner le sort commun. […] Le sort est le sort, l’arrêt est porté, le monde est vieux ; on a rêvé avant vous : ces sophistes de la félicité croissante ont protesté depuis des milliers de siècles, ils n’ont pas fait révoquer une syllabe de la destinée. […] Il créa un être revêtu d’un corps ; il le vit ; et la bouche de cet être s’ouvrit comme un œuf brisé ; de sa bouche sortit la parole, de la parole sortit le feu ; les narines s’ouvrirent, et des narines sortit le souffle, et du souffle sortit l’air qui se dilate et se répand partout ; les yeux s’ouvrirent, et des yeux jaillit la lumière, et de cette lumière fut produit le soleil ; les oreilles se sculptèrent, et des oreilles naquit le son qui donne le sentiment du loin et du près (des distances) ; la peau s’étendit, et de cet épiderme étendu naquit la chevelure, de cette chevelure de l’homme naquit la chevelure de la terre, les arbres et les plantes !

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