Les Francs, — les Barbares d’outre-Loire, comme on disait il y a huit cents ans à Toulouse, — aidés d’ailleurs par quelques barbares d’outre-Rhin, envahirent et ravagèrent le pays d’oc, massacrèrent la fleur de ses fils, égorgèrent ou brûlèrent ses femmes, lui imposèrent leur parler et leurs lois, bref lui firent connaître toutes sortes de choses que nous avons pu apprécier d’assez près il y a quelque temps ; une précoce et puissante civilisation fut ainsi anéantie jusque dans son épanouissement suprême : sa langue, cette langue d’oc si miraculeusement belle que ses purs servants n’ont presque jamais osé la compromettre en vulgaire prose. […] Depuis cinquante ans, nous assistons à une sorte de revanche de la bataille de Muret, en ce sens que les seuls princes que puisse s’offrir une république, parlementaires retentissants ou ministres relativement durables, ont été très fréquemment des enfants du Midi… Et des poètes des mêmes régions, plus nombreux parce que démocratiques, se sont tout naturellement développés à leur ombre, comme d’autres jadis dans le rayonnement royal… Mais je m’arrête. […] Mais l’esprit flamand est doué des qualités qu’exige le lyrisme romantique — y compris l’aptitude à une certaine sorte de vague métaphysique naturaliste à laquelle répugnent les races latines, qui sont théologiennes tant qu’on voudra, mais pas métaphysiciennes — tandis que nos Méridionaux ne les ont point.