Dans un lointain qui fuit ma jeunesse recule, Ma sève refroidie avec lenteur circule, L’arbre quitte sa feuille et va nouer son fruit : Ne presse pas ces jours qu’un autre doigt calcule, Bénis plutôt ce Dieu qui place un crépuscule Entre les bruits du soir et la paix de la nuit ! […] Pourtant le soir qui tombe a des langueurs sereines Que la fin donne à tout, aux bonheurs comme aux peines ; Le linceul même est tiède au cœur enseveli : On a vidé ses yeux de ses dernières larmes, L’âme à son désespoir trouve de tristes charmes Et des bonheurs perdus se sauve dans l’oubli. […] Le rayon du soir la transperce Comme un albâtre oriental, Et le sucre d’or qu’elle verse Y pend en larmes de cristal. […] Resserre autour de nous, faits de joie et de pleurs, Ces groupes rétrécis où de ta providence Dans la chaleur du sang nous sentons les chaleurs ; * Où, sous la porte bien close, La jeune nichée éclose Des saintetés de l’amour, Passe du lait de la mère Au pain savoureux qu’un père Pétrit des sueurs du jour ; Où ces beaux fronts de famille, Penchés sur l’âtre et l’aiguille, Prolongent leurs soirs pieux : Ô soirs ! […] Le matin, tout est vif et gai ; à midi, tout baisse ; au soir, tout recommence un moment, mais plus triste et plus court ; puis tout tombe et tout finit.