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385. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — CHAPITRE VI »

Son égoïsme n’a rien de blessant ; son désabusement a le charme d’un fin sourire ; il a le calme, l’aplomb, l’aisance, la sûreté sociale la plus complète, et de l’esprit comme s’il en pleuvait. […] C’est le baron d’Estrigaud qui personnifie le fléau social. […] Les changements à vue de la politique, la hausse des besoins, la baisse de l’argent, le crescendo du luxe, le train à la fois positif et effréné, moitié américain et moitié Régence, qu’ont pris les mœurs et la vie sociale, tout cela, en vingt-cinq ans, a fait l’œuvre d’un siècle entre les pères et les fils, entre les hommes de 1840 et les jeunes gens de 1866. […] Je ne saurais non plus comprendre que Navarette et lui espèrent obtenir un succès quelconque avec cette comédie pitoyable, il faut qu’ils aient perdu toute notion sociale pour croire que le monde va reconnaître leur mariage et leur ouvrir ses salons, sur l’exhibition du contrat. — « A notre retour, — dit Navarette, — vertueuse Galeotti, j’entrerai dans le monde à votre bras… que vous n’oserez pas me refuser. » L’infatuation est par trop violente. […] Quelque bronzé que soit un coquin, il ne tombe pas subitement d’une haute position sociale dans la boue et sur le pavé sans pousser un cri de rage et sans ressentir une douleur atroce.

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