On était alors par toute l’Europe dans une effervescence sociale et morale qui n’a d’analogue qu’en certaines époques romaines : « Les femme s de haut lieu et de grand nom, disait Sénèque, comptent leurs années non par les consulats, mais par les mariages ; elles divorcent pour se marier, elles se marient pour divorcer88. » Benjamin, dans ses lettres à madame de Charrière, dans celles de la fin, sur lesquelles nous n’avons fait que courir, parle fréquemment de cette femme et de plusieurs autres encore ; suivant son incurable usage, il ne pouvait s’empêcher de persifler, de plaisanter de l’une ou des unes avec l’autre. […] Que si l’on a affaire à un homme politique, à l’un de ceux qui ont professé hautement la science sociale, et qui, de leur vivant, ont joui tant bien que mal des honneurs et du renom de grand citoyen, oh ! […] Dispositions politiques des étudiants. — Études sérieuses. — Vie sociale assez douce. » Or c’est dans ce court intervalle de retraite, de douceur inespérée et de sagesse (sauf un reste de roulette), qu’il écrivait à Fauriel la lettre suivante, où se confirment les mêmes impressions : « Au Hardenberg, près Gottingue, ce 10 septembre 1811. […] On travaille à séparer le plus qu’on peut les sciences et les lettres de tout ce qui tient à la politique et à toute espèce d’idée d’organisation sociale : je ne dis rien sur ce système ; mais on agit ensuite comme si ce but était déjà atteint, et on protége les lettres, comme si elles étaient déjà dans ce bienheureux état d’indépendance de toutes les agitations humaines.