Ils ont dit mille choses inutiles : ils ont dit comment se battaient les hommes d’autrefois, et non pas comment ils vivaient ; ils se sont préoccupés des violences de l’espèce humaine, ils ont négligé d’en raconter les mœurs, les grâces, les élégances, les ridicules, si bien que c’est en pure perle, ou peu s’en faut, que ces misérables sept mille années que nous comptons depuis qu’il y a des hommes en société, ont été dépensées pour l’histoire des usages et des mœurs de la société civile. […] … La réponse est facile ; c’est qu’en effet cette langue à part a été la langue d’une société à part ; c’est que Marivaux a été le Molière de ce petit monde de soie et d’or qui s’agitait, à l’ombre de l’éventail de la maîtresse royale ; société éphémère mais élégante ; un monde à part mais plein d’esprit, de loyauté et de courage ; corruption si vous voulez, mais corruption de bon goût ; désordres, à la bonne heure ! […] Pauvre société perdue à force d’esprit, d’élégance, de scepticisme ! […] Ce n’était point par l’action, par les passions sans frein, par les déclamations furibondes, par les larmes intarissables, que cette société marchait à l’abîme, mais bien par la galanterie et par la conversation. […] — quand fut morte, en priant Dieu, cette société qui causait si bien, la tribune nationale pour combler le vide de cette société aux abois, s’éleva éloquente et souveraine, sur les débris des petits salons.