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393. (1799) Jugements sur Rousseau [posth.]

Rien d’ailleurs n’est plus déplacé que des injures dites au public : il est vrai que si quelqu’un s’est jamais pu acquérir ce droit-là, c’est Rousseau, puisqu’il a pour ainsi dire renoncé à la société ; mais du moins quand on veut insulter quelqu’un il faut être de bonne foi, et je crois qu’il n’y en a point dans cette préface. […] Il n’y a pas grand mal à cela ; mais où j’en trouve davantage, c’est que tant d’esprit, de lumières, de vie et de chaleur, soit dépensé presque en pure perte, pour considérer l’homme dans des états d’abstraction, dans des états métaphysiques où il ne fut et ne sera jamais, et non l’homme tel qu’il est dans la société. […] Je suis étonné qu’un écrivain si supérieur ait affecté dans quelques endroits un langage scientifique dont il aurait pu se passer, et qui n’a qu’un air d’étalage ; comme quand il dit que l’homme de la nature est une unité absolue, et que celui de la société est une unité fractionnaire qui tient au dénominateur ; et tout cela pour dire que l’homme isolé est un tout, et que celui de la société n’est que la partie d’un tout.

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