L’auteur fait allusion à la mort connue de l’abbé Prévost qui, étant tombé frappé d’apoplexie dans la forêt de Chantilly, fut transporté dans un village voisin, où un chirurgien ignorant procéda incontinent, dit-on, à l’ouverture, ce qui détermina en effet la mort ; je cite de souvenir après une simple lecture, mais assez fidèlement, je crois : Pleurez ! […] Ce sont les expressions les plus simples de la langue ; les mots de tendresse, de charme, de langueur, y reviennent souvent et ont sous la plume de l’abbé Prévost une douceur et une légèreté de première venue qu’ils semblent n’avoir qu’une fois : par exemple, au moment où, au sortir de sa captivité, Des Grieux revoit Manon et où, accompagné de son libérateur, M. de T., il s’empresse d’aller pour la délivrer à son tour : « … Elle comprit que j’étais à la porte. […] Nous nous embrassâmes avec cette effusion de tendresse qu’une absence de trois mois fait trouver si charmante à de parfaits amants… » Et ce qui suit : « Tout le reste d’une conversation si désirée ne pouvait manquer d’être infiniment tendre… » Quand des écrivains de talent ont voulu depuis paraître aussi simples, ils ne l’ont pas été sans quelque manière. […] Mais, même dans ces besognes obligatoires que la nécessité lui imposait, une fois la plume à la main, que ce soit la grande compilation de l’Histoire générale des voyages qu’il entreprenne (1746) que ce soit un simple Manuel lexique ou Dictionnaire portatif des mots français obscurs et douteux (1750), un de ces vocabulaires comme Charles Nodier en fera plus tard par les mêmes motifs ; que ce soit le Journal étranger, ce répertoire varié de toutes les littératures modernes, dont il devienne le rédacteur en chef (1755) ; de quelque nature de travail qu’il demeure chargé, remarquez le tour noble et facile, l’air d’aisance et de développement qu’il donne à tout ; il y met je ne sais quoi de sa façon agréable et de cet esprit de liaison qui est en lui.