Cette belle phrase est depuis des siècles dans la bouche de tous les maîtres qui enseignent leur art et dans l’oreille de tous les enfants ; je ne vous la répéterai pas, toute belle qu’elle soit, parce qu’elle ne laisserait qu’une vaine rotondité de période et une vaine cadence de mots dans votre mémoire. […] C’était, je m’en souviens, comme une consonance encore lointaine et confuse, mais comme une consonance enfin, entre mon âme et ces âmes qui me parlaient ainsi à travers les siècles. […] Bientôt nous entendions, du côté de la montagne opposé à celui que nous avions gravi, des pas lents et mesurés ; ces pas faisaient rouler au-dessous de nous les pierres sèches ; un autre hôte de la montagne paraissait presque aussitôt après, un livre aussi dans la main ; il essuyait son front taché de sueur et de poudre blanche en regardant mon amas de coquillages, et en m’expliquant comment la haute marée des siècles les avait portés jusque-là ; puis il allait saluer avec une cordialité un peu cérémonieuse mon père, et il s’asseyait dans la seconde stalle du rocher. […] Lié avec M. de Malesherbes et avec les politiques et les écrivains les plus illustres du siècle, décapités en 1793, il était tombé avec la monarchie.