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652. (1881) La parole intérieure. Essai de psychologie descriptive « Chapitre III. Variétés vives de la parole intérieure »

Enfin la satisfaction morale répandue sur toute sa vie n’a jamais pris la forme d’un sentiment distinct ; on la trouve seulement parmi les raisons qui expliquent à ses yeux le privilège singulier dont il est l’objet : apparemment, il est aimé des dieux, puisqu’ils prennent soin de le garantir de toute erreur. […] Et si aujourd’hui elle est considérée comme le plus banal des artifices oratoires, est-ce seulement parce qu’elle est usée ? […] Dans les deux premiers cas, elle exprime ou elle imite les formes inférieures de la parole intérieure pratique ; dans le dernier seulement, elle exprime ou elle imite la parole intérieure morale, au sens propre et philosophique du mot. […] Nous n’en trouvons pas seulement la trace dans les fictions conventionnelles de la poésie et de l’éloquence antiques ; nous la rencontrons aussi à l’origine de nombreuses locutions, parmi lesquelles nous avons déjà cité les plus usuelles, comme la voix de la conscience et d’autres semblables. […] Je crois bien que ces paroles involontaires n’expriment ni un sentiment ni une pensée, qu’elles ne correspondent à rien d’intérieur, et que la personne qui les prononce n’a pas conscience de ce qu’elle dit ; elle l’entend seulement et ne l’écoute pas, sachant qu’on sait qui elle est et qu’on lui pardonnera.

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