Je ne considérerai donc la morale et la politique que sous le point de vue des difficultés que les passions leur présentent ; les caractères qui ne sont point passionnés se placent d’eux-mêmes dans la situation qui leur convient le mieux, c’est presque toujours celle que le hasard leur a désignée, ou s’ils y apportent quelque changement, c’est seulement dans ce qui s’offre le plus facilement à leur portée. […] Il faudrait d’abord, en analysant les gouvernements anciens et modernes, chercher dans l’histoire des nations ce qui appartient seulement à la nature de la constitution qui les dirigeait. […] Si l’âme doit être considérée seulement comme une impulsion, cette impulsion est plus vive quand la passion l’excite ; s’il faut aux hommes sans passions, l’intérêt d’un grand spectacle, s’ils veulent que les gladiateurs s’entredétruisent à leurs yeux, tandis qu’ils ne seront que les témoins de ces affreux combats, sans doute il faut enflammer de toutes les manières ces êtres infortunés, dont les sentiments impétueux animent, ou renversent le théâtre du monde ; mais quel bien en résultera-t-il pour eux, quel bonheur général peut-on obtenir par ces encouragements donnés aux passions de l’âme ? […] Ces deux idées premières dans l’existence, s’appliquent également à toutes les situations, à tous les caractères, et ce que j’ai voulu montrer seulement, c’est le rapport des passions de l’homme avec les impressions agréables ou douloureuses qu’il ressent au fond de son cœur.