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625. (1902) Les œuvres et les hommes. Le roman contemporain. XVIII « J.-K. Huysmans »

Arrivé à la dernière limite que les sensations puissent atteindre, et toujours affamé de sensations nouvelles, il s’imagine que de prendre la vie à rebours c’est le seul parti qui lui reste pour y trouver quelque goût et quelque saveur, et il le prend, ce parti de la vie à rebours, et il décrit tous les vains efforts qu’il fait pour l’y mettre. […] L’intérêt de ce détraquement serait médiocre si cette mécanique n’en souffrait pas, si cette singulière horloge, qui ne s’est pas faite toute seule et qui essaie de se remonter et de se régler, n’avait pas en elle quelque chose de plus fort qu’elle qui l’en empêche et qui la torture… Et même sans cette torture le roman n’existerait pas. […] Les bibelotiers de cette époque de décadence, les soi-disant raffinés, ces artificiels niaisement épris de toutes les chinoiseries des civilisations matérielles, les pervertis de l’ennui à qui la simple beauté des choses ne suffit plus, le liraient seuls. Eux seuls, ces esprits blasés et tombés dans l’enfance des vieilles civilisations, s’intéresseraient aux efforts et aux rétorsions de ce misérable Des Esseintes, corrompu par l’ennui, qui engendre toutes les autres corruptions, et qui s’imagine qu’on peut prendre à rebours la vie, — cette difficulté de la vie !  […] Eux seuls, ces dégoûtés, retrouveraient du ragoût peut-être à l’enfantillage destructeur de ce ménage renversé ; car le défaut du livre de M. 

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