Les sensations nouvelles ne trouvent plus de série antérieure où elles puissent s’emboîter ; le malade ne peut plus les interpréter, s’en servir ; il ne les reconnaît plus, elles sont pour lui des inconnues. […] Il faut distinguer cette première et profonde impression de toutes les autres qui vont suivre. » — En effet, dans ce premier stade, les sensations nouvelles étaient trop nouvelles ; elles n’avaient pas été répétées un assez grand nombre de fois pour faire dans la mémoire un groupe distinct, une série cohérente, un second moi ; telle est la chenille dont nous avons parlé, dans le premier quart d’heure qui suit sa métamorphose en papillon ; son nouveau moi n’est pas encore formé, il est en train de se former ; l’ancien, qui n’éprouve que des sensations inconnues, est conduit à dire : Je ne suis plus, je ne suis pas. — « Plus tard et dans une seconde période, dit notre observateur, lorsque par un long usage j’eus appris à me servir de mes sensations nouvelles, j’avais moins d’effroi d’être seul et dans un pays que je ne connaissais pas ; je pouvais, quoique avec difficulté, me conduire ; j’avais reformé un moi ; je me sentais exister, quoique autre. » Il faut du temps pour que la chenille s’habitue à être papillon ; et, si la chenille garde, comme c’était le cas, tous ses souvenirs de chenille, il y a désormais un conflit perpétuel et horriblement pénible entre les deux groupes de notions ou impressions contradictoires, entre l’ancien moi qui est celui de la chenille, et le nouveau moi qui est celui du papillon. — Dans le second stade, au lieu de dire : Je ne suis plus, le malade dit : Je suis un autre.