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13. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 45, de la musique proprement dite » pp. 444-463

La musique ne s’est pas contentée d’imiter dans ses chants le langage inarticulé de l’homme, et tous les sons naturels dont il se sert par instinct. […] La musique ne se sert que des instrumens pour imiter ces bruits, dans lesquels il n’y a rien d’articulé, et nous appellons communément ces imitations des symphonies. […] Tous les peuples ont eu des instrumens propres à la guerre, et ils s’y sont servi de leur chant inarticulé, non-seulement pour faire entendre à ceux qui devoient obéïr, les ordres de leurs commandans, mais encore pour animer le courage des combattans, et même quelquefois pour le retenir. […] Je placerois volontiers la musique où le compositeur n’a point sçû faire servir son art à nous émouvoir, au rang des tableaux qui ne sont que bien coloriez, et des poëmes qui ne sont que bien versifiez. Comme les beautez de l’execution doivent servir en poësie, ainsi qu’en peinture, à mettre en oeuvre les beautez d’invention et les traits de génie qui peignent la nature qu’on imite, de même, la richesse et la varieté des accords, les agrémens et la nouveauté des chants, ne doivent servir en musique que pour faire et pour embellir l’imitation du langage de la nature et des passions.

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