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528. (1892) Boileau « Chapitre VI. La critique de Boileau (Fin). La querelle des anciens et des modernes » pp. 156-181

Mais Boileau ne s’en tenait pas aux théoriciens ; il s’instruisait directement aux œuvres, d’après lesquelles les théories ont été dressées, et sa sincérité d’admiration, la perpétuelle direction de sa pensée qui y va toujours spontanément chercher sa règle, nous témoignent évidemment qu’en dépit de certaines timidités de goût et de quelques gaucheries d’expression, Boileau comprenait et sentait les anciens comme il faut. […] Tout cela n’était pas très dangereux, ni décisif : Boileau le sentit, et donna en 1694 ses neuf premières Réflexions sur Longin. […] Il réduit même le débat à une dispute sur Homère et Pindare, les deux auteurs peut-être que le xviie  siècle pouvait le moins goûter dans leur particulière originalité, et ceux assurément dont Boileau, qui les sentait grands, pouvait le moins dire par où ils étaient grands. […] Si, en effet, les anciens ont mené Boileau à définir l’art une imitation de la nature, on sent à chaque moment une conception nouvelle de la vérité, une conception presque scientifique, dans les formules que le critique français emploie : et c’est en cartésien, ou, si l’on veut, en classique, enfin en homme de sa race et de son temps, qu’il a substitué au naturel aisé des anciens son « naturalisme » rationnel et conscient. […] Il entrevit alors cette vérité importante : que le mouvement général de la littérature se compose d’un grand nombre de mouvements particuliers, de vitesses très inégales ; qu’il y a pour une langue, et qu’il y a pour chaque genre des points de perfection qui sont atteints à des moments très différents : le progrès commence à peine d’un côté, que la décadence se fait sentir de l’autre.

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