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978. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXVI. Des oraisons funèbres et des éloges dans les premiers temps de la littérature française, depuis François Ier jusqu’à la fin du règne de Henri IV. »

Enfin, ses amours, ses faiblesses, tous ces sentiments, qui le plus souvent étaient des passions, et que les grâces d’un chevalier ennoblissaient encore, lorsqu’ils n’étaient que des goûts, ne paraissaient pas des défauts qu’on pût lui reprocher. […] Mais ce qui a consacré sa réputation dans l’Europe, c’est sa bonté, c’est cette vertu qui ne permit jamais à la haine d’entrer dans son cœur, qui fit que, sans politique et sans effort, il pardonna toujours, et se serait cru malheureux de punir ; qui, avec ses amis, lui donnait la familiarité la plus douce, envers ses peuples la bienveillance la plus tendre, avec sa noblesse la plus touchante égalité ; ce sentiment si précieux qui quelquefois, dans des moments d’amertume et de malheur, lui faisait verser les larmes d’un grand homme au sein de l’amitié ; ce sentiment qui aimait à voir la cabane d’un paysan, à partager son pain, à sourire à une famille rustique qui l’entourait, ne craignit jamais que les larmes et le désespoir secret de la misère, vinssent lui reprocher des malheurs ou des fautes : voilà ce qui lui a concilié les cœurs de tous les peuples, voilà ce qui le fait bénir à Londres comme à Paris. […] Malgré les défauts incroyables du mauvais goût, quelques-uns de ces discours attachent encore et intéressent par la force du sentiment qui y est répandu. […] Ainsi, un acteur célèbre (Baron), qui prétendait que l’émotion est en nous un sentiment involontaire, et presque indépendant de l’esprit, en mettant sur des paroles gaies, ou même ridicules, un accent pathétique, attendrissait peu à peu, et parvenait à faire couler les larmes.

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