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816. (1824) Notice sur la vie et les écrits de Chamfort pp. -

Son cœur et son esprit étaient remplis de sentiments républicains ; il applaudissait au décret qui supprimait les pensions ; et pourtant toute sa fortune était en pensions, il les remplaça par le travail ; et le Mercure de France s’enrichit de la nécessité dans laquelle on le mettait encore une fois, de se faire une ressource de sa plume. […] Ses bons mots, en passant de bouche en bouche, attestaient ses opinions et ses sentiments populaires. […] La vivacité de son esprit, le sel de ses réparties, une certaine causticité naturelle, qui fait trop souvent suspecter la bonté du caractère, une invincible aversion pour la sottise confiante, et l’impossibilité absolue de déguiser ce sentiment, inspirèrent à beaucoup de gens une sorte de crainte qu’il prenait trop peu de soin de dissiper, et qui, pour l’ordinaire, se change facilement en haine. […] On s’afflige en songeant que Pope et Swift, en Angleterre, Voltaire et Rousseau, en France, jugés, non par la haine, non par la jalousie, mais par l’équité, par la bienveillance, sur la foi des faits attestés ou avoués par leurs amis et par leurs admirateurs, seraient atteints et convaincus d’actions très condamnables, de sentiments quelquefois pervers1. » Les événements de la vie de Chamfort prouvent que la trempe de son âme était naturellement forte, et qu’habitué de bonne heure à lutter contre l’adversité, il ne s’en laissa jamais abattre.

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