Nos sens, dit-il, aperçoivent un ciel apparent, un ciel phénoménal ; les astronomes nous décrivent un ciel réel, un ciel nouménal : ces deux ciels ne se ressemblent pas, et cependant on peut conclure de l’un à l’autre. […] Supposons qu’il y ait en dehors de nous une certaine chose appelée matière, — ce qui peut être mis en doute ; — écartons l’idée de cette chose considérée dans son essence, laquelle nous est aussi inconnue que celle de l’âme ; prenons enfin l’idée de la matière telle que l’expérience nous la donne et telle qu’elle est représentée par les sens et par l’imagination, à savoir comme une pluralité de choses coexistant dans l’espace, quelles que soient d’ailleurs ces choses (atomes, phénomènes ou monades) ; — on peut affirmer qu’une telle pluralité, et en général toute pluralité, est hors d’état de se connaître intérieurement comme être, puisque cette pluralité n’a pas d’intérieur. […] Pour nous qui aimons les idées précises, nous réservons le nom de matérialisme à la doctrine qui, partant de l’idée de matière telle qu’elle est donnée par les sens et représentée par l’imagination (à savoir une pluralité existant dans l’espace), et donnant à cette pluralité apparente une réalité substantielle, en fait non plus seulement la condition, mais le substratum de la pensée. […] Il est certain que Hegel n’a jamais bien défini ce qu’il entendait par sujet absolu, esprit absolu, et ce n’est pas le lieu ici de controverser sur le sens de sa doctrine.