Et ce n’est ni d’Aubigné, ni Matthieu, ni aucun des écrivains, qu’on ne lit plus, du temps agité et terrible où la Ligue luttait contre une royauté hérétique, qui pouvait fausser pendant longtemps le sens de l’histoire. […] Charmant et détestable sorcier, espèce de Circé à sa façon qui changeait les hommes en bêtes, pour peu qu’ils missent le bout des lèvres dans la coupe de ses écrits, Voltaire, sur cette question de la Ligue comme sur tant d’autres questions d’histoire, a perverti le sens public pour un temps qu’on peut prévoir, mais qu’il est impossible de mesurer. […] Le peuple, menacé au xvie siècle dans tout ce qui était sa vie, sentait absolument cette identité que les historiens devraient montrer davantage pour expliquer une action qui ne fut point une révolte dans le sens que les révolutions modernes ont donné à ce terrible mot, et pour l’expliquer aux penseurs politiques de nos jours qui ont rayé, il est vrai, les questions de foi de leurs programmes, c’est-à-dire toute l’économie de la vie morale, mais qui, en présence des intérêts matériels, comprendront peut-être que la Ligue, c’est-à-dire la société même, courût aux armes pour se sauver ! […] Mais la question, posée par l’histoire, est bien au-dessus de ce détail de conduite, et c’est le droit de l’Union à prononcer cette déchéance que l’historien aurait dû faire rayonner, dans tous les sens, avec une clarté souveraine. […] bonté des sens, familiarité, camaraderie, politique, cette peau d’intérêts qu’il avait sous son autre peau, absence de profondeur d’impression et l’amour du rire !