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14. (1805) Mélanges littéraires [posth.]

Il est d’abord évident que la définition d’un mot doit tomber sur le sens précis de ce mot, et non sur le sens vague. […] Ce que nous venons de dire du sens précis, par rapport au sens vague, nous le dirons du sens propre par rapport au sens métaphorique ; la définition ne doit jamais tomber que sur le sens propre, et le sens métaphorique ne doit y être ajouté que comme une suite et une dépendance du premier. […] On peut remarquer, surtout dans les ouvrages de poésie et d’éloquence, qu’une partie très considérable des mots y est employée dans le sens métaphorique, et que le sens propre des mots ainsi employés dans un sens métaphorique, désigne presque toujours quelque chose de sensible. Il est même des mots, comme aveuglement, bassesse, et quelques autres, qu’on n’emploie guère qu’au sens métaphorique : mais quoique ces mots pris au sens propre ne soient plus en usage, la définition doit néanmoins toujours tomber sur le sens propre, en avertissant qu’on y a substitué le sens figuré. […] Le sens qu’on attachera à ces mots sera, ou le sens propre, ou le sens figuré : dans le premier cas, on aura trouvé le vrai sens du mot, et il ne faudra que le rencontrer encore une ou deux fois pour se convaincre qu’on a deviné juste ; dans le second cas, si on rencontre encore le même mot ailleurs, ce qui ne peut guère manquer d’arriver, on comparera le nouveau sens qu’on donnera à ce mot, avec celui qu’on lui donne dans le premier cas ; on cherchera dans ces deux sens ce qu’ils peuvent avoir d’analogue, l’idée commune qu’ils peuvent renfermer, et cette idée donnera le sens propre et primitif.

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