Le président Jeannin, amateur de la paix et sachant qu’au fond c’était aussi la politique de Henri IV, sut dissimuler dans l’origine et ne pas donner son dernier mot : Il était, a dit Grotius, si puissant en paroles et tellement maître des mouvements de son visage, que, quand il cachait le plus ses sentiments, il semblait toujours qu’il parlât à cœur ouvert (Vultus autem sermonisque adeo potens, ut cum maxime abderet sensus apertissimus videretur). […] On pourvut à cet article délicat dans le traité de longue trêve, moyennant une circonlocution obscure, par laquelle on semblait à la fois retirer et accorder ce droit de trafic et de navigation, et sans surtout prononcer le nom des Indes qui était comme sacramentel en Espagne. […] Dans ses derniers projets d’expédition et de guerre à l’étranger, il l’invitait en riant à se pourvoir d’une bonne haquenée pour l’accompagner et le suivre en toute entreprise. — Un jour qu’il y avait eu une indiscrétion commise sur quelque matière d’État, il prenait Jeannin par la main, en disant aux autres membres du Conseil : « Messieurs, c’est à vous de vous examiner ; pour moi, je réponds du bonhomme. » La carrière du président Jeannin semble remplie et comblée dans sa mesure, et pourtant il resterait encore tout un chapitre à y ajouter. […] Supérieur à Sully comme négociateur, il semble qu’il ait été moins bon ministre des finances. […] Il me semble que Le Moniteur, à leur égard, pourrait être comme un Plutarque français continuel : tous les grands serviteurs publics y trouveraient tôt ou tard leur biographie ou leur portrait.