Ce qui a pu sembler depuis partie gagnée était d’abord un combat pied à pied, et chaque point à emporter voulait un assaut. […] La philosophie du dix-huitième siècle, malgré la reprise catholique de 1803, semblait fermement assise : cette philosophie qui avait parcouru toutes ses phases et pénétré toutes les sphères, évincée du monde politique par l’Empire, irritée bien plutôt qu’effrayée du rétablissement des autels, restait maîtresse en théorie. […] Aucun de ces mots, aucune de ces formes si aisément habituelles de nos jours, ne se présente sous leur plume ; il semble vraiment qu’ils auraient, pour les trouver, à faire autant d’efforts que d’autres en devraient mettre à les éviter. […] Cette langue même, cette prose d’un si grand air, avec l’amplitude de ses tours et jusque dans les détails de son vocabulaire, semble naturellement la sienne, et, toutes les fois qu’il lui est arrivé de mêler du Kant au Malebranche, c’est qu’il l’a bien Voulu. […] De celui-là, qui échappe pour le moment à l’appréciation littéraire, mais qu’une curiosité respectueuse ne saurait, même à ce seul titre, s’empêcher de suivre en silence et d’observer, il me suffira de dire qu’il a eu cela de particulier et d’original, que, trempé encore plus expressément par la nature pour les luttes et pour les triomphes de l’orateur, il y a de plus en plus aguerri et assoupli sa parole : cette netteté, ce nerf, cette décision de pensée et d’expression qu’il a sans relâche développés et qu’il porte si hautement dans les discussions publiques, toutes ces qualités ardentes et fortes, il semble que ce soit plutôt l’orateur encore qui, chez lui, les communique et les confère ensuite à l’écrivain ; et si l’on pouvait en telle matière traiter un contemporain si présent comme on ferait un grand orateur de l’antiquité, on aurait droit de dire à la lettre que c’est sur le marbre de la tribune, et en y songeant le moins, qu’il a poli, qu’il a aiguisé son style.