M. de Sénancour, en 1832 Nous vivons dans un temps où la publicité met un tel empressement à s’emparer de toutes choses, où la curiosité est si indiscrète, la raillerie si vigilante, et l’éloge si turbulent, qu’il semble à peu près impossible que rien de grand ou de remarquable passe désormais dans l’oubli. […] On peut trouver à redire au pêle-mêle, désirer plus de discernement dans cette pêche miraculeuse de chaque matin, demander trêve pour les plus jeunes, qui ont besoin d’attendre et de grandir, pour les plus mûrs, dont cette impatience puérile interrompt souvent la lenteur fécondante ; mais enfin il semble qu’au prix de quelques inconvénients on obtient au moins cet avantage de ne rien laisser échapper qui mérite le regard. […] Étienne Pivert de Sénancour, né à Paris, en novembre 1770, d’un père contrôleur des rentes, semble avoir eu une enfance maladive, casanière, ennuyée. « Une prudence étroite et pusillanime dans ceux de qui le sort m’a fait dépendre a perdu mes premières années, et je crois bien qu’elle m’a nui pour toujours. » Et ailleurs : « Vous le savez, j’ai le malheur de ne pouvoir être jeune. […] Deux enfants nés de son mariage, sa femme atteinte d’une lente et mortelle maladie, les difficultés politiques et sociales d’alors, l’assujettirent, autant qu’il semble, à diverses nécessités qui contrariaient ses penchants. […] Dans la seconde partie de l’ouvrage, qui semble séparée de la première par un intervalle de plusieurs années, Oberman, âgé de vingt-sept ans, traverse la crise antérieure à toute maturité, et double, pour ainsi dire, le cap périlleux de la vie.