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473. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Livre quatrième. Les conditions physiques des événements moraux — Chapitre III. La personne humaine et l’individu physiologique » pp. 337-356

La destruction de ce fantôme métaphysique abat l’un des chefs survivants de cette armée d’entités verbales qui jadis avaient envahi toutes les provinces de la nature, et que, depuis trois cents ans, le progrès des sciences renverse une à une. […] En somme, les entités verbales ne subsistent plus qu’aux deux extrémités de la science, dans la psychologie par la notion du moi et de ses facultés, dans les préliminaires de la physique par la notion de la matière et de ses forces primitives. — Jusqu’ici, cette illusion a tenu la psychologie enrayée, surtout en France ; on s’est appliqué à observer le moi pur ; on a voulu voir dans les facultés « les causes qui produisent les phénomènes de l’âme168 » ; on a étudié la raison, faculté qui produit les idées de l’infini et découvre les vérités nécessaires ; la volonté, faculté qui produit les résolutions libres. On n’a fait ainsi qu’une science de mots. « À un crochet peint sur le mur, dit un philosophe anglais, on ne peut suspendre qu’une chaîne peinte sur le mur. » Laissons là les mots, étudions les événements, seuls réels, leurs conditions, leurs dépendances, et certainement, en reprenant le sentier ouvert par Condillac, rouvert par James Mill et ses successeurs anglais, nous arriverons par degrés à faire une science de choses et de faits. […] Par-delà la région accessible des faits et de leurs lois, ils posent une région inaccessible, celle des substances, choses réelles et dont la science serait certainement très précieuse, mais vers lesquelles nulle recherche ne doit s’égarer, parce que l’expérience atteste la vanité de toute recherche à cet endroit.

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