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1094. (1857) Causeries du samedi. Deuxième série des Causeries littéraires pp. 1-402

Elle a pénétré dans l’histoire, dans la science, dans l’érudition, dans la poésie, dans l’art, animant ce qui semblait mort, fécondant ce qui semblait stérile, et parfois substituant des fleurs vivantes et fraîches à des plantes desséchées dans l’herbier. […] Rastignac, qui fait là ses premières armes, et que nous verrons reparaître dans vingt autres romans, y acquiert les rudiments de la science sociale, en écoutant pérorer Vautrin, ce même Vautrin dont M. de Balzac a tant abusé, dont il a fait le dieu Wishnou de la cour d’assises et du bagne, narguant, en mille incarnations différentes, la société et la police. […] Et il écrit cette phrase incroyable : « Le magnétisme, la science favorite de Jésus-Christ et l’une des puissances divines remises aux apôtres », etc… — Sans même sortir de la littérature, ce sont là de ces énormités qui suffisent à gâter un livre, non seulement pour le lecteur chrétien, mais pour le lecteur sensé. […] Les écrivains, avant d’exercer cet enseignement mondain et littéraire de la science sociale, économique et politique, n’avaient point passé par les affaires ; ils n’en connaissaient pas les difficultés matérielles, les rouages compliqués, les périls et les sacrifices attachés aux changements les plus spécieux, aux améliorations les plus désirables. […] Mais ce n’était pas à la liberté qu’aspiraient les Français, dans cette préparation universelle de la victoire révolutionnaire ; ce ne fut pas elle du moins qui leur servit d’inspiration première et de point de départ ; ils en avaient perdu la tradition, ils n’en possédaient pas la science, et ils n’en ont jamais eu le goût.

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