Ce qui manque à ce roman, a-t-on dit, c’est l’imagination poétique, c’est le don d’émouvoir, c’est celui de composer et de faire voir des scènes, c’est celui de voir les choses et d’en faire un cadre à l’histoire du cœur. […] Et que les scènes ne soient pas faites, c’est aussi une erreur ; elles ne sont pas surfaites, voilà tout ; elles sont données pour ce qu’elles sont, sans amplification ni surcharge : Constant a une loyauté d’artiste égale à la loyauté de ses confessions. […] Il compose une scène tout comme il écrit une page de psychologie morale, avec un raccourci savant, un dessin serré, sûr et brusque, avec les deux ou trois traits vigoureux et nets qui sont ceux qui resteraient dans l’esprit du lecteur après qu’il aurait lu plusieurs pages de description copieuse, jugeant que ceux-là suffisent, puisque ceux-là seuls doivent subsister ; peut-être se trompant en ce point, et se faisant accuser de stérilité par ceux qui ne lisent qu’une fois, mais écrivant un livre dont chaque page ouvre de longues avenues à nos réflexions et à nos pensées, qu’on trouve plus plein et plus inépuisable à chaque fois qu’on le relit, et qui, aussi bien, a été écrit pour ceux qui relisent. […] Dès lors, je ne comprends pas bien les fureurs, les emportements, les scènes où « nous nous dîmes mutuellement tout ce que la haine et la rage peuvent inspirer… » Les coquetteries de la fin, d’accord : Ellénore veut essayer de la jalousie et du dépit pour ramener celui qui n’aime plus, et cherche gauchement à s’attirer les hommages des autres hommes.