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181. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Mémoires du comte Beugnot »

Il est homme de bonne compagnie dans ses portraits et dans les scènes légèrement comiques qu’il nous rend présentes. […] L’auteur s’excuse presque de repasser sur les mêmes scènes après Riouffe, qu’il appelle un « maître. » On n’est pas impunément de son époque : cette fausse élégance, ces fausses fleurs gagnaient et envahissaient alors les plus sages talents. […] Qu’on se rappelle de lui la scène d’arrivée du général Lasalle à Burgos et tant de conversations avec l’Empereur au sujet du roi Joseph ; mais, entre toutes, la conversation du général Lasalle au souper de Burgos est un tableau animé et vivant, digne de faire pendant et contraste aux conversations de Jean-Bon Saint-André dans la salle d’attente du dîner impérial ou sur le bateau du Rhin à Mayence. […] La scène de Gand, où l’avantageux maréchal fait étalage de stratégie à l’usage des gens de cour, où il s’applique surtout à démontrer au grand aumônier, le cardinal de Périgord, qui l’écoute révérencieusement en ayant l’air de mordre la corne de son chapeau, les divers plans de campagne possibles et comme quoi, dans toutes les combinaisons, Napoléon ne peut être que battu, — cette petite scène à trois personnages, le suffisant, le crédule, et le sceptique qui se rit de tous deux, — est une délicieuse comédie de cabinet qui vaut tout ce que les anciens Mémoires du bon temps nous ont laissé de plus exquis en ce genre. […] Cependant l’observateur, en lui, avait de quoi désennuyer le ministre d’État honoraire, en exerçant son mépris des hommes et sa critique des gouvernements : exclu de la scène, il ne cessait d’avoir l’œil dans les coulisses de la politique, et il se riait du jeu des acteurs.

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