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1034. (1857) Cours familier de littérature. IV « XXIe Entretien. Le 16 juillet 1857, ou œuvres et caractère de Béranger » pp. 161-252

Un homme que l’on pouvait croire redevenu obscur à force de temps et d’oubli, un homme retiré de toute scène par sa modestie, et retiré presque de la vie par sa vieillesse ; un homme caché sous les toits, dans une maison muette d’une rue éloignée du cœur de la ville ; un homme qui n’affectait pas, comme Diogène ou comme J. […] « Votre jambe droite n’est pas assez avinée », disait le grand comédien anglais Garrick à Préville qui lui demandait conseil pour bien rendre un rôle d’ivrogne sur la scène. « Votre main droite, celle qui tient la plume, n’est pas assez avinée », pourrait-on dire à Béranger quand il raturait une chanson à boire. […] Il composa le plan et les premiers chants d’un poème épique intitulé Clovis ; puis il écrivit dans les intervalles des Méditations poétiques ; enfin il pensa à chercher dans la tragédie une de ces renommées soudaines et éclatantes qui grandissent comme l’aloès en un soir, aux rayons du lustre, sur une scène à dix mille échos. Chose singulière et cependant exacte, moi-même, quinze ans plus tard, je composais le plan et les premiers chants d’un poème épique de Clovis ; j’écrivais, sous le titre de Méditations poétiques, des vers qui ne trouvaient pas à exprimer leur nature sous un autre titre ; enfin j’ébauchais cinq ou six tragédies avortées pour une scène où ma destinée n’était pas de monter au rang des Sophocle, des Shakespeare, des Corneille, ou de leurs rivaux d’aujourd’hui !

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