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456. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre sixième. Le roman psychologique et sociologique. »

Deux gouttes d’eau peuvent devenir pour le savant deux mondes remplis d’intérêt, et d’un intérêt presque dramatique, tandis que pour l’ignorant deux mondes, deux étoiles d’Orion ou de Cassiopée, peuvent devenu deux points aussi indiscernables et indifférents que deux gouttes d’eau. […] La tâche du romancier étant précisément de représenter la société sous le jour où tous la voient, il ne peut se maintenir dans une complète ignorance scientifique, en retard sur ses contemporains : il ne saurait les intéresser à ce prix ; mais d’autre part il ne doit pas se montrer plus savant qu’eux, il ne saurait davantage les intéresser. […] Le récit pur et simple, c’est-à-dire purement et simplement scientifique de certaines expériences de restées Lavoisier, célèbres, n’aurait certes pas le don de nous intéresser esthétiquement ; il ne pourrait être acceptable qu’à la condition de prendre, comme sujet principal, Lavoisier lui-même et non point ses expériences, de faire ressortir son opiniâtreté et son courage de savant qui ne se laisse rebuter par rien. […] Le savant supprime l’azote, quand il est nuisible, et pas davantage. Comme le pouvoir des romanciers n’est pas le même que celui des savants, « comme ils sont des expérimentateurs sans être des praticiens », ils doivent se contenter de chercher le déterminisme des phénomènes sociaux, en laissant aux législateurs, aux hommes d’application, le soin de diriger tôt ou tard ces phénomènes, de façon à développer les bons et à réduire les mauvais, au point de vue de l’utilité humaine

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