Il avait de plus ce qu’une race aristocratique fait couler en général avec le sang dans le cœur d’un homme vraiment national comme son nom, un fort patriotisme uni à une élégante chevalerie. […] Le tiers-état et la noblesse libérale lui répondirent par des applaudissements réfléchis et par un vote populaire ; l’aristocratie lui répondit par des outrages et par des ridicules ; son nom devint plus odieux que s’il avait sacrifié du sang au peuple ; les pamphlets contre-révolutionnaires s’acharnèrent sur ce Coriolan de sa caste ; il ne se troubla pas ; il poursuivit de vote en vote l’accomplissement des principes honnêtes de la Révolution, sur les traces des Sieyès, des Mirabeau, des Lafayette, jusqu’au point où la Révolution se sépara avec ingratitude de son vertueux promoteur, Louis XVI. […] Ce fut dans cette retraite qu’il apprit la mort sur l’échafaud de cette aristocratie presque tout entière dont il s’accusait d’avoir involontairement préparé le supplice ; tous les siens étaient fauchés en masse par la guillotine ; chaque goutte de leur sang semblait retomber sur son cœur. […] VIII C’était le lendemain de la révolution de 1830 ; cette révolution, provoquée, mais mal inspirée, avait proscrit un berceau plein d’innocence ; elle avait donné le trône de l’infortuné Louis XVI, victime de ses vertus, au fils d’un prince qui avait démérité de son sang ; cette odieuse rétribution de la Providence révoltait et révolte encore la justice innée en moi. […] Cette rancune de Bonaparte et aussi son étroite économie pour tout ce qui n’était pas du sang sur les champs de bataille le firent assister sans pitié à la catastrophe du mari de madame Récamier, que la plus faible assistance de l’État pouvait prévenir.