J’ai supposé que le sang de celui qui compose s’échauffât ; car les peintres et les poëtes ne peuvent inventer de sang froid : on sçait bien qu’ils entrent en une espece d’entousiasme, lorsqu’ils produisent leurs idées. […] Croïez-vous, dit Ciceron que Pacuvius composât de sang froid ? […] Mais la fermentation du sang la plus heureuse ne produira que des chimeres bizarres dans un cerveau composé d’organes, ou vicieux ou mal disposez, et par consequent incapables de représenter au poëte la nature, telle qu’elle paroît aux autres hommes. […] D’un autre côté, si ce feu qui provient d’un sang chaud et rempli d’esprits manque en un cerveau bien disposé, ses productions seront régulieres, mais elles seront froides. […] Lorsque la qualité du sang est jointe avec l’heureuse disposition des organes, ce concours favorable forme, à ce que je m’imagine, le génie poëtique ou pittoresque ; car je me défie des explications physiques, attendu l’imperfection de cette science dans laquelle il faut presque toûjours déviner.