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583. (1858) Cours familier de littérature. V « XXVIIe entretien. Poésie lyrique » pp. 161-223

Sa voix plus accentuée et plus rapprochée nous permettait de saisir à l’oreille ses paroles confuses et désordonnées. […] Ses doigts, ouverts comme par une main de force, se détachèrent des deux touffes de bruyère qui le soutenaient sur l’abîme ; son orteil détendu glissa sur l’étroite corniche qu’il avait saisie comme point d’appui pour enjamber le sommet du précipice ; il glissa le long du rocher et roula évanoui et sanglant le front sur les pierres, sans pousser un cri. […] Le froid le saisit ; il rentra chancelant dans sa chambre solitaire, chercha lentement l’inspiration, tantôt dans les palpitations de son âme de citoyen, tantôt sur le clavier de son instrument d’artiste, composant tantôt l’air avant les paroles, tantôt les paroles avant l’air, et les associant tellement dans sa pensée qu’il ne pouvait savoir lui-même lequel de la note ou des vers était né le premier, et qu’il était impossible de séparer la poésie de la musique et le sentiment de l’expression.

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