. — Une fois qu’on a saisi la faculté maîtresse, dit-il ailleurs en parlant de Shakespeare, on voit l’homme se développer comme une fleur. […] Pour moi, ce dernier mot d’un esprit, même quand je serais parvenu à réunir et à épuiser sur son compte toutes les informations biographiques de race et de famille, d’éducation et de développement, à saisir l’individu dans ses moments décisifs et ses crises de formation intellectuelle, à le suivre dans toutes ses variations jusqu’au bout de sa carrière, à posséder et à lire tous ses ouvrages, — ce dernier mot, je le chercherais encore, je le laisserais à deviner plutôt que de me décider à l’écrire ; je ne le risquerais qu’à la dernière extrémité. […] J’en conclus que, s’il est si difficile, même de près, de saisir la qualité dominante chez un de nos contemporains, il est bien plus difficile, ou, pour mieux dire, tout à fait impossible de prétendre la retrouver et surtout la contrôler, la rectifier avec certitude, à une telle distance, chez les personnages de l’histoire de Tite-Live ou chez l’historien lui-même. […] Les autres qualités, les mérites plus politiques qui auraient pu se révéler à mesure qu’il aurait avancé dans son histoire (car il avait en lui, selon la remarque de Quintilien, bien des perfections diverses), ces mérites de spectateur et de peintre, capable pourtant de saisir les effets et les causes de grandeur ou de décadence, ne les lui supposons pas sans preuve, mais ne les lui dénions pas. […] Ma sensibilité réagit peu au dehors ; elle est occupée, ou par des impressions internes confuses, et c’est là l’état le plus habituel, ou par des idées qui me saisissent, que je renferme, que je creuse au dedans, sans éprouver aucun besoin de les répandre au dehors.