Albérich vole l’or du Rhin, il en forme l’anneau magique, il aspire à l’omnipotence, — Wotan lui dérobe l’anneau, qu’il donne aux géants en paiement de Walhall, — les Dieux cherchent un homme qui expie leur faute, Siegmund aime Sieglinde, Siegfried est recueilli par Mime, il tue le dragon, se saisit de l’anneau et réveille Brünnhilde, il meurt par la main de Hagen, et Brünnhilde meurt avec Grane sur son bûcher. […] Mais ce que je tiens à faire saisir du lecteur, c’est à quel point ce projet de 1848 n’est vraiment rien que cela, rien qu’une mise en œuvre de traditions mythologiques ; car j’espère qu’ils sentiront alors très clairement combien différent est le second poème, celui que nous connaissons tous aujourd’hui, et qu’ils comprendront combien il y a de puérilité à ne voir dans ce dernier que des mythologies dramatisées, ou à faire de savantes recherches dans les Eddas et les Sagas sur « les origines de l’Anneau du Nibelung ». […] Wagner, qui avait l’intuition de l’art qu’il voulait créer, a dû cependant passer plusieurs années dans ces réflexions, pour arriver à saisir le problème très clairement, pour pouvoir vouloir. […] Il en résulte que les représentations de Bayreuth, au lieu d’être la réalisation parfaite d’une intention artistique, ne sont toujours encore qu’une indication de cette intention et l’expression de la volonté de quelques personnes à travers les louables efforts de chanteurs et de musiciens qui sont loin de savoir de quoi il s’agit, et qui s’adressent à un public qui ne le sait pas mieux qu’eux. — Toujours est-il qu’à Bayreuth se trouve réuni un ensemble exceptionnel et unique de conditions qui permettent une réalisation aussi parfaite que possible à l’heure présente de l’idée wagnérienne : en joignant la connaissance de la vie et des écrits de Wagner a l’audition de ces drames à Bayreuth, on peut arriver à saisir l’idée fondamentale du maître, sa conception de l’art. […] Pierre et Charles Bonnier, collaborateurs de cette Revue, méritent aussi d’être mentionnés ; je crois bien que parmi tous ceux qui en France écrivent sur le maître, ce sont les seuls qui aient vraiment saisi et adopté ses idées.